Contexte
Bursaphelenchus xylophilus est un nématode (vers microscopique) qui s’attaque aux pins (Pinus halepensis, Pinus nigra, Pinus pinaster et Pinus sylvestris majoritairement).
Il est à ce jour absent de France mais est présent en Espagne et au Portugal. Il est vectorisé par des insectes du genre Monochamus, dont Monochamus galloprovincialis largement présent en France.
Le nématode du pin peut également être transporté sur de longues distances par les activités humaines (transport de grumes, de bois de pins transformés comme des palettes, caisses, sciages …).
En France, la forêt des landes (dans le Sud-Ouest) semble particulièrement à risque.
Depuis 2013, le territoire français fait l’objet d’une surveillance particulière pour le nématode du pin. Des inspections visuelles sont ralisées pouvant conduire à des prélèvements ainsi qu’un piégeage de l’insecte vecteur. Les échantillons de végétaux prélevés et les Monochamus galloprovincialis piégés sont envoyés aux laboratoires pour être analysés.
Objectif et méthode
Dans l’optique d’améliorer la surveillance du nématode du pin sur le territoire français (détection précoce et vérification du statut ‘exempt’), la Plateforme ESV a réalisé un travail de mise en évidence des zones les plus à risque concernant l’entrée ou l’introduction (i.e. l’entrée + l’établissement) du nématode du pin sur le territoire.
L’objectif de ce travail est d’aider les décideurs publics dans les directives aux régions et d’aider les acteurs du terrain en orientant leur surveillance sur des zones qui semblent potentiellement plus à risque que d’autres. Ces zones à risque sont déterminées par une méthode statistique permettant de hiérarchiser le territoire selon plusieurs critères de risque définis.
Pour cela, la Plateforme ESV s’est appuyée sur les travaux de Parnell et al., 2014 : A generic risk-based surveying method for invading plant pathogens.
Wi = Pi * R0i avec,
Wi = le risque au site i
Pi = la probabilité que l’agent pathogène arrive dans le site i
R0i = la taille de l’épidémie attendue localement dans le site i
Le site i est ainsi l’unité épidémiologique.
L’unité épidémiologique
L’unité épidémiologique dans ce travail est une unité issue de la découpe du territoire (en surface). Deux découpes ont été réalisées : à petite échelle (A), pour orienter les décisions des décideurs publics sur la France entière ; et à grande échelle (B) pour orienter les acteurs du terrain dans leur surveillance au sein d’une région.
Voies d’entrée
Différents critères de voies d’entrée ont été choisis et utilisés dans l’analyse des zones à risque d’entrée du nématode en France : les aéroports, les ports, les gares, les aires routières, les lieux de stockage de produits transformés de bois de pins, les lieux de transformation de bois de pins et les importations. Ces critères se basent sur des données plus ou moins approximatives et détaillées du critère recherché.
Liste des critères et données utilisées :
Les aéroports —> La moyenne des données de fret en tonnes disponibles sur la période de 2014 à 2018 a été réalisée par aéroport. Source : www.aeroport.fr.
Les ports —> Les données de fret en tonnes de chaque port français de 2005 sont croisées avec les données de 2017 de fret chargé et déchargé en millier de tonnes par région. Sources : Wikipedia liste des ports de commerce et ec.europa.eu/eurostat.
Les gares —> Les données de fret en région en 2006 sont croisées avec la données de fret nationale de 2017 et redistribuées équitablement aux gares de chaque région. Sources : www.senat.fr, www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr et www.data.gouv.fr.
Les aires routières —> Les surfaces des aires (rest-area et services) sont récupérées via open street map. Les données de 2018 de transport routier national annuel de marchandises (en millier de tonnes) par département de déchargement (NUTS 3) et groupe de marchandises (1 000 t) sont utilisées pour estimer le trafic moyen par aire (trafic de 2018 du département x la surface de l’aire / surface du département). Ainsi on admet que le trafic qui passe par l’aire est proportionnel à la surface de l’aire. Sources : ec.europa.eu/eurostat - road_go_na_ru3g.
Les lieux de stockage —> Pour estimer les lieux de stockage de produits de bois de pin, le proxy de la densité de population a été utilisé. On admet que les entreprises qui stockeraient des produits de bois de pins se concentrent autours des villes. Ainsi, la densité de population (en habitant par km2) de 2013 par commune a été utilisée. Source : public.opendatasoft.com.
Les lieux de transformation —> Les scieries sont les lieux de transformations du bois. Les données du Ministère de la Statistique Forêt-Bois de 2017 concernant l’approvisionnement total en bois de conifères par région en millier de m3 ont été utilisées. Source : contact au Ministère de la Statistique Forêt-Bois
Les importations —> Des données non exhaustives de quantités de bois de conifères (palettes, caisses, grumes, sciages, autres ; en Kg de marchandises), par département, importées en France en 2017 ou 2018 ont été utilisées. Source : enquête BNEVP de la brigade de la DGAL.
Etablissement
Différents critères d’établissement ont été choisis, pour être utilisés conjointement aux critères d’entrée, dans l’analyse des zones à risque d’introduction (entrée + établissement) du nématode en France : la surface d’hôtes, les températures du mois de juillet (impactant l’apparition de symptômes), et l’attractivité des Monochamus par les fumées des feux de forêts.
Liste des critères et données utilisées :
La surface d’hôtes —> Les données de la BD Forêt version 2 de l’IGN ont été utilisées. La surface de pin maritime, pin sylvestre, pin laricio ou pin noir et pin d’Alep a été calculée pour chaque unité épidémiologique en km2. Source : BD Forêt vesrion 2.
Les températures —> Les moyennes minimale et maximale des températures des mois de juillet des années 2009 à 2019 ont été utilisées. On part du principe que plus ces températures sont élevées, plus le risque de voir apparaitre des symptômes sur les pins est fort, facilitant la détection de la maladie. Source : DRIAS.
Les feux de forêt —> La moyenne du nombre de jours de feux de forêt par an ayant eu lieu entre 2015 et 2018 a été utilisée. Source : effis.jrc.ec.europa.eu.
Poids assignés aux critères
Chaque critère a été calculé pour toutes les unités épidmiologiques A) ou B) en France.
Un poids a été associé à chacun des critères en se basant sur une enquête réalisée auprès des experts du Groupe de Travail (GT) du nématode du pin. Les experts ont classé les critères d’entrée selon leur degré d’importance. Grâce à une méthode de clustering (méthode de Ward), une synthèse de classification de ces critères en tenant compte de la variabilité des réponses des experts a pu être obtenue.
Les poids des critères d’établissement ont été définit arbitrairement à l’issue d’une réunion avec les experts du GT.
Résultats des réponses des experts et du cluster :
Résultats du cluster :
Tableau récapitulatif des poids :
Poids attribués pour chaque critère d’entrée :
Import Palettes | Import Caisses | Import Sciages | Import Matériaux Divers | Aéroports | Ports | Aires routiaires | Import Grumes | Scieries | Gares | Densité de Population |
5 | 5 | 5 | 5 | 4 | 3 | 3 | 2 | 2 | 1 | 1 |
Poids attribués pour chaque critère d’établissement :
Feux de forêt | Température Min | Température Max | Surface Hôtes |
10 | 15 | 15 | 30 |
Méthode PROMETHEE
Nous avons ensuite appliqué la méthode PROMETHEE avec les critères et les données associées pour les deux échelles d’analyse (A et B). Cette méthode hiérarchise les unités épidémiologiques en fonction des données et des poids des critères. Le résultat obtenu permet d’interpréter des zones plus ou moins à risque d’entrée ou d’introduction (entrée + établissement) relatives entre elles.
Résultats des zones à risque d’entrée
Résultats des zones à risque d’introduction
ATTENTION ne pas comparer les régions entre elles car
les analyses sont indépendantes !
Vous pouvez observer un “effet de bordure” par endroits avec des quadrats ayant un Wi très faible. Ces quadrats tombent dans deux régions et ont été analysés pour les deux régions. Si pour une région le Wi est très faible, cela signifie qu’il est mieux pris en compte dans l’analyse de l’autre région et que c’est l’analyse de l’autre région qui orientera mieux la surveillance pour ce quadrat.
Résultats des zones à risque d’entrée
Résultats des zones à risque d’introduction
Conclusion
Ces cartes mettent en avant les zones à risque d’entrée et d’introduction du nématode du pin en France. Ce sont des outils d’aide à la surveillance pour les décideurs publics et les acteurs du terrain. Ces outils sont voués à être améliorer à différents niveaux (données, attribution des poids …).
Perspectives
L’évaluation de la surveillance réalisée en France depuis 2013 pourrait par la suite être réalisée en se basant sur ces travaux. En effet, l’effort de surveillance pourrait être comparé à ces résultats pour analyser si la surveillance actuelle est appropriée par rapport aux zones à risques définies. Dans le cas contraire, des travaux sur l’amélioration du dispositif de surveillance pourraient être réalisés, appuyés par l’outil RIBESS+ développé par l’EFSA qui permet de déterminer le nombre de prélèvements à réaliser en fonction du risque.
Date de la dernière mise à jour:
01/09/2020
Contributions : Richard Bordeau (DGAL, MUS), Philippe Castagnone (INRAE), Anne-Marie chappé (ANSES), Odile Colnard (DGAL, BSV), Jean-Baptiste Daubree (DRAAF), Blandine Delbourse (DRIAAF, SIVEP), Frédéric Delport (DGAL, DSF), Julien Gozard (DGAL, SIVEP), Marie Grosdidier (Plateforme ESV, INRAE), Philippe Herbuvaux (DRAAF), Hoël Hotte (ANSES), Claude Husson (DGAL, DSF), Hervé Jactel (INRAE), Emmanuel Kersaudy (DRAAF), Sarah Labruyère (FREDON), Jean-Marie Lejeune (DGPE, BEFIB), Raphaëlle Mouttet (ANSES), Brigitte Pilard-Landeau (ONF), Cécile Pagis-Maris (CRPF), Cyril Pascual (DRAAF), Benoit Remond (FREDON), Christelle Robinet (INRAE), Corinne Sarniguet (ANSES), Martin Strugarek (DGAL, BSV), Xavier Tassus (ANSES).
Production : Marie Grosdidier (Plateforme ESV, INRAE)
Commanditaires et animateurs du GT : Frédéric Delport (DGAl, DSF) & Odile Colnard (DGAl, BSV)
Mise à disposition de données : Jean-Philippe Carlier (DGAL, BNEVP) & Philippe Français-Demay (SG, SSP)