Le bulletin d’Épidémiosurveillance en Santé Végétale est une revue des actualités concernant la santé du végétal en Europe et à l’International. Il contribue à faciliter l’accès aux informations concernant la santé des végétaux et leur diffusion. Le bulletin est validé au préalable par une cellule éditoriale composée d’experts scientifiques et de collaborateurs partenaires ayant un rôle de conseillers.



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Sommaire
Sujet phytosanitaire Zone géographique Cultures Nature de l’information
Xylella fastidiosa Espagne Amandiers Article scientifique
Xylella fastidiosa et Philaenus spumarius Europe Multi-espèces Article scientifique
Xylella fastidiosa Espagne Multi-espèces Évolution de la situation sanitaire
Xylella fastidiosa Italie Multi-espèces Évolution de la situation sanitaire
Bactrocera dorsalis Italie Multi-espèces Évolution de la situation sanitaire
Spodoptera frugiperda Afrique Multi-espèces Article scientifique

Xylella fastidiosa


Espagne / Amandiers / Évaluation des plans de gestion des épidémies avec le cas de la brûlure des feuilles d’amandier en Espagne continentale – Article scientifique

Cendoya et collaborateurs (2024) ont évalué la performance des plans de gestion des épidémies d’organismes de quarantaine (OQ) dans l’UE tels qu’ils sont prévus dans le règlement UE 2016/2031 au travers d’une étude de cas sur Xylella fastidiosa subsp. multiplex (OQ prioritaire - OQP), responsable de la brûlure des feuilles d’amandier (ALSD pour almond leaf scorch disease) dans la région d’Alicante en Espagne. Depuis l’arrivée déclarée de la bactérie en 2017, la zone délimitée d’Alicante s’est étendue pour atteindre aujourd’hui 139 459 ha avec 187 400 amandiers détruits (Generalitat Valenciana, 2023). D’après cette étude, il s’agit du foyer ayant conduit à l’une des plus grandes campagnes d’éradication de maladie végétale mise en œuvre en Europe à ce jour. Au sein de l’Union européenne, les mesures à adopter pour la prévention, le contrôle et l’éradication de X. fastidiosa sont imposées par le règlement d’exécution UE 2020/1201 de la Commission du 14 août 2020. Les auteurs ont utilisé un modèle épidémiologique individu-centré spatialisé afin de suivre la dynamique de la maladie et permettre d’évaluer l’efficacité et l’efficience des plans de gestion de la maladie par rapport à un scénario de base sans mesures de gestion. Le modèle à l’échelle des individus a permis d’intégrer les interactions individuelles entre les plantes hôtes et l‘organisme nuisible dans un paysage spatialement défini afin de tenir compte de l’hétérogénéité spatiale des plantes hôtes susceptibles d’affecter la propagation de la maladie. L’étude a permis de comparer les approches de surveillance en ‘une étape’ ou ‘deux étapes’ et différentes stratégies de contrôle (différentes tailles de zone tampon et rayons d’éradication couvrant les valeurs minimales fixées par le règlement en vigueur).

Pour le scénario de base (sans mesures de gestion), le modèle a simulé la dynamique de propagation de la maladie en utilisant des données épidémiologiques et des données géo-référencées des amandiers à partir de cinq foyers d’introduction de la maladie, contenant chacun 10 arbres infectés échantillonnés de manière aléatoire (1 arbre comme centre du foyer et les 9 autres répartis autour du centre du foyer, dans un rayon de 1 km). Chaque arbre a été classé selon son statut pathologique : sensible (individu non infecté), infecté asymptomatique ou infecté symptomatique. Pour la comparaison des plans de gestion par rapport au scénario de base, les plans ont été définis comme étant la combinaison de stratégies de surveillance et de mesures de contrôle en rapport avec le règlement d’exécution UE 2020/1201. Dans l’approche en une étape, la zone non délimitée et la zone tampon étaient considérées comme deux unités épidémiologiques différentes alors que dans l’approche en deux étapes, ces deux unités épidémiologiques étaient divisées en une grille de cellules d’un hectare, chaque cellule représentant une seule unité épidémiologique. Deux tailles de zone tampon (2,5 km et 5 km) et deux rayons d’éradication (50 m et 100 m) ont été comparées pour les mesures de contrôle/éradication et trois taux de transmission différents ont été appliqués dans la zone tampon pour chaque combinaison zone tampon-rayon d’éradication. Ceci a permis d’évaluer leur impact sur la propagation de la maladie en tenant compte des effets de la lutte anti-vectorielle dans l’ensemble de la zone délimitée et de la réduction de l’inoculum via l’élimination des amandiers hôtes de la zone infestée. A noter qu’une augmentation progressive du taux de transmission après l’expression des symptômes a été incluse dans le modèle. L’efficacité a été définie comme la réduction du pourcentage du nombre d’amandiers infectés, et l’efficience a été définie par l’augmentation du pourcentage d’amandiers sensibles non éradiqués. Au final, le modèle individu-centré a permis de quantifier le nombre d’arbres infectés et éradiqués, l’intensité de l’inspection et l’effort de prospection pour chaque plan de gestion de l’épidémie.

Les résultats ont montré pour le scénario de base (sans intervention de gestion), que la maladie progressait rapidement au cours des premiers mois mais ralentissait progressivement au fil du temps, en particulier lorsque le pourcentage d’arbres infectés augmentait. La comparaison des plans de gestion décrits dans l’étude (versus scénario de base) a montré qu’ils permettaient de contrôler de manière efficace la propagation de l’épidémie en réduisant le nombre d’arbres infectés, mais que de grandes différences dans leur efficience apparaissaient selon i) la stratégie de surveillance et de lutte envisagées, et ii) le zonage (délimitation de la zone tampon et de la zone infestée). En général, un rayon d’éradication plus large était plus efficace pour réduire le pourcentage d’arbres infectés. Une réduction plus importante du taux de transmission (via la lutte anti-vectorielle) permettait de réduire le nombre d’arbres hôtes sensibles (sains) éliminés dans le cadre de l’éradication, tout en continuant à éliminer les arbres infectés, ce qui contribuait à accroître l’efficience. L’augmentation du niveau de confiance s’est traduite par des efforts de prospection plus importants, associés à une meilleure efficacité. L’approche de la surveillance en deux étapes s’est traduite par des efforts de prospection plus importants, une meilleure efficience, et est la seule approche à avoir permis de contrôler complètement l’épidémie, tout en laissant un pourcentage plus élevé d’arbres sensibles sans qu’ils soient éliminés par les mesures d’éradication. La surveillance serait donc le principal facteur d’amélioration de l’efficacité et de l’efficience des plans de gestion des épidémies.

En conclusion, l’étude indique qu’il est préférable d’adopter des stratégies de surveillance impliquant un effort de surveillance plus important, soit avec un niveau de confiance plus élevé soit par le biais d’une approche en deux étapes. Ainsi, la modélisation individu-centrée proposée dans l’étude pourrait être généralisée à d’autres maladies des plantes et être améliorée en intégrant d’autres éléments, tels que l’abondance des vecteurs et la saisonnalité de la transmission pour apporter plus de précisions dans l’étude de la propagation des maladies..

Source : Cendoya et collaborateurs (2024).


Multi-espèces / Conception d’un modèle pour la mise en œuvre de stratégies de contrôle de Philaenus spumarius – Article scientifique

En Europe, Philaenus spumarius ou le cercope des près est considéré, de par sa plus grande abondance et sa plus grande efficacité de transmission, comme le vecteur principal de Xylella fastidiosa. Gilioli et collaborateurs (2024) proposent un modèle physiologique pour prédire la dynamique phénologique de P. spumarius, notamment au cours du processus de diapause. Le modèle basé sur le système d’équations aux dérivées partielles de Kolmogorov considérant le temps et l’âge physiologique de l’insecte (sept stades de développement, de l’œuf à l’adulte) a été paramétré via des données issues d’expériences en chambre climatique puis a été calibré avec des données sur la dynamique des stades pré-imaginaux issues d’observations de terrain (oliveraies de Ligurie et des Pouilles en Italie). Les performances du modèle phénologique ont été évaluées à l’aide d’autres données de dynamique phénologiques collectées dans des vergers d’oliviers et de cerisiers de la région des Pouilles.

Les estimations du modèle prédisent que la fin de la diapause des œufs de P. spumarius se produirait après avoir accumulé 120 degrés-jours au-dessus d’un seuil de température inférieur de +6,5°C (début janvier, ou mi-février dans les sites italiens étudiés) et que la fin du développement embryonnaire se produirait à l’automne, avec les premières éclosions peu de temps après la fin de la diapause, avec 90% des œufs ayant un âge physiologique compris entre 0,58 et 0,99 (c’est-à-dire ayant achevé entre 58% et 99% de leur développement). L’estimation du seuil inférieur de température pour les œufs en post-diapause était de +3,0°C et du seuil supérieur de température pour le développement des nymphes était de +33,0°C. L’estimation des 3èmes, 4èmes et 5èmes stades nymphaux est apparue cohérente avec les données des populations observées en Italie, suggérant que le modèle est adapté pour estimer l’émergence des derniers stades nymphaux et cibler des périodes propices aux actions de surveillance et aux mesures de contrôle contre P. spumarius. La courbe d’émergence des adultes prédite n’a quant à elle pas pu être évaluée en l’absence de données de terrain disponibles principalement à cause du changement dans l’occupation de l’habitat des adultes dès leur émergence.

Le modèle de la dynamique phénologique de P. spumarius développé dans cette étude fournit des informations utiles pour la conception et la mise en œuvre de programmes de surveillance et de lutte pour contrôler les populations du vecteur et aider à la gestion des épidémies de X. fastidiosa en Europe. Le modèle peut être adapté pour cibler d’autres zones géographiques et être implémenté dans des modélisations épidémiologiques de X. fasidiosa existantes afin de mieux prendre en compte la dynamique vectorielle.

Source : Gilioli et collaborateurs (2024).


Espagne (Estrémadure, communauté valencienne) / Multi-espèces / Évolution de l’état sanitaire

Voici la résolution réglementaire pour l’Estrémadure (résolution du 2 mai 2024) qui vise à établir des zones à risque concernant Xylella fastidiosa subsp. fastidiosa suite à l’établissement de zones délimitées au Portugal dans les paroisses de São Salvador da Aramenha (Marvão) (Despacho no 11/G/2024) et de Concelho de Penamacor (Despacho no 12/G/2024), respectivement situées à 1860 mètres et 610 mètres de communes espagnoles, situées dans la province de Cáceres. Une autre résolution concerne la communauté valencienne (voir résolution du 15 avril 2024) vise à mettre à jour la situation sanitaire concernant Xylella fastidiosa dans la communauté autonome ainsi que les mesures phytosanitaires urgentes d’éradication et de contrôle afin d’éviter sa propagation.

Sources : Lien 1, Lien 2.


Italie / Multi-espèces / Évolution de l’état sanitaire

La détection de Xylella fastidiosa sous-espèce multiplex (génotype ST26) courant mars 2024 dans deux amandiers de Santeramo in Colle, commune de la métropole de Bari, a conduit à l’établissent d’une zone délimitée (voir le document officiel daté du 8 avril 2024) dans laquelle des mesures de surveillance et d’éradication sont menées.
Par ailleurs, suite à la confirmation de la présence de Xylella fastidiosa subsp. fastidiosa (génotype ST1) dans des amandiers dans la campagne de Triggiano (voir le BM N° 58), la zone délimitée pour cette sous-espèce a été élargie. Elle comprend une zone tampon de 2,5 km autour de la zone infectée. La zone infectée concerne les municipalités de Bari, Capurso et Triggiano. La zone tampon concerne les municipalités déjà citées pour la zone infectée ainsi que Valenzano et Noicattaro (voir l’acte exécutif n°45 du 24 avril 2024). Toujours concernant Bari, mais également la province de Tarente, le règlement d’exécution UE 2020/1201 qui concerne la liste des zones infectées et l’endiguement de X. fastidiosa a été actualisé en date du 15 mai 2024 (source). Cette mise à jour mentionne l’impossibilité d’éradiquer la bactérie dans les communes suivantes, qui, de fait, ont été ajoutées à la liste des zones infectées : Alberobello, Castellana Grotte, Monopoli, Polignano a Mare et Putignano (Bari) et Fasano (Tarente). Un Plan d’action a été établi pour lutter contre les trois sous espèces de X. fastidiosa présentes dans les Pouilles : pauca, multiplex et fastidiosa (voir la circulaire n°4 du 22 mai 2024).

Sources : Lien 1, Lien 2, Lien 3.


Figure 1 : Carte de la situation sanitaire en Italie concernant les trois sous-espèces détectées de Xylella fastidiosa. Source : emergenzaxylella.it. Ne pas hésiter à zoomer sur la carte.

Bactrocera dorsalis


Italie – Région Campanie / Multi-espèces / Évolution de l’état sanitaire

Après les premières captures de Bactrocera dorsalis en Italie en 2018 (OEPP 2018) dans la région de Campanie, d’autres individus ont régulièrement été capturés dans la région mais aussi en Émilie-Romagne, en Lombardie, Trentin-Haut-Adige et Vénétie (OEPP 2024). En Campanie, le plan d’action régional déployé pour lutter contre la mouche orientale a porté ses fruits puisque la zone délimitée vient d’être réduite (voir le décret exécutif no. 60 du 23 avril 2024). En effet, la zone infestée est passée d’une superficie de 39,12 km² à une superficie de 20,24 km². Cette réduction de 48% de la zone infestée ne concerne plus que cinq communes sur 8 : Carbonara di Nola, Ottaviano, Palma Campania, San Gennaro Vesuviano, Sarno.

Sources : Lien 1, Lien 2.

Spodoptera frugiperda


Afrique / Multi-espèces / Modélisation de la migration saisonnière et de la dynamique des populations de Spodoptera frugiperda en Afrique - Article scientifique.

Spodoptera frugiperda est un organisme de quarantaine prioritaire pour l’Union européenne capable de s’établir dans toutes les zones intertropicales et subtropicales du monde (voir fiche SORE). Une étude ciblant le continent africain, où la légionnaire d’automne s’est largement propagée et où divers types de climats co-existent, propose d’identifier des caractéristiques et/ou des causes favorables à la présence du ravageur en Afrique, pour chaque mois, afin de contribuer à optimiser sa gestion et les coûts associés. Pour ce faire, un modèle de suivi mensuel de l’adéquation de l’habitat de S. frugiperda a été réalisé à partir de données de télédétection portant sur le climat, l’utilisation des terres, la végétation et le sol.

Les auteurs ont d’abord réalisé une analyse factorielle exploratoire afin de reconstruire les variables climatiques et obtenir les facteurs correspondant à la température, l’humidité et le vent. Ces facteurs combinés à d’autres variables environnementales (e.g. LULC, en référence à l’utilisation des terres et NDVI, en référence au taux de couverture végétale) ont ensuite été utilisés pour générer des indicateurs de suivi dynamique de l’adéquation de l’habitat de S. frugiperda en Afrique en 2023, puis permettre de construire un modèle capable de décrire l’aire de distribution potentielle de la légionnaire d’automne en Afrique, chaque mois, via l’utilisation de l’algorithme ‘random forest’ (Breiman Leo 2001). Le modèle a été construit en utilisant simultanément des données de présence et des données de pseudo-absences de S. frugiperda pour limiter les biais, et il a été évalué via différentes mesures (exactitude, sensibilité, spécificité, score F1, AUC, Kappa et TSS).

L’évaluation du modèle a permis de montrer sa grande précision (>0,9, quelle que soit la mesure utilisée). Les résultats du modèle ont montré une adéquation mensuelle de l’habitat de S. frugiperda étroitement associée à l’utilisation des terres (variable LULC) et au taux de couverture végétale (variable NDVI), mais également associée au facteur d’humidité. Les points de présence de la légionnaire d’automne sont apparus répartis principalement dans les prairies, les savanes et les terres cultivées ce qui suggère un risque plus élevé d’infestation dans ces zones pendant la saison des pluies chaque année. Les habitats favorables à S. frugiperda tout au long de l’année étaient plutôt associés au climat alpin de plateau et de savane retrouvé surtout en Afrique de l’Ouest et de l’Est (au sud du désert du Sahara), et était aussi associé au climat tropical désertique du Delta du Nil, probablement du fait des conditions d’irrigation favorables le long du fleuve. Bien que la légionnaire d’automne n’ait pas encore officiellement été détectée le long des côtes méditerranéennes d’Afrique du Nord (Maroc, Algérie et Tunisie), les analyses des données de 2023 ont montré que cette région présentait des indices d’adéquation de l’habitat élevés de juin à août et plus faibles de décembre à février. Or il existerait un risque de migration de S. frugiperda de l’Afrique du Nord vers l’Europe du Sud par la mousson d’après Jing Wang et collaborateurs (2023). Pour rappel, la présence du ravageur a déjà été rapportée en Europe, notamment récemment en Grèce, en Roumanie et à Malte.

Cette étude présente quelques limites (e.g. variables environnementales à haute résolution spatio-temporelle manquantes, possibles biais d’échantillonnage et/ou liés aux interactions et aux activités humaines), en conséquence de quoi des valeurs plus faibles de l’indice d’adéquation n’excluent pas de manière absolue la présence du ravageur. Cependant, la présente étude fournit une indication relative de la probabilité mensuelle de présence du ravageur sur le continent africain. Les auteurs prévoient de poursuivre l’étude de la migration saisonnière et la dynamique des populations de S. frugiperda en Afrique en utilisant des réseaux neuronaux graphiques avec des images de télédétection à haute résolution comme source de données afin d’atteindre une grande précision spatio-temporelle et ainsi pouvoir prédire des processus de migration.

Source : Tonghui Qi et collaborateurs (2024).