Épidémiosurveillance en Santé Végétale

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Découvrez l’interview de Cindy Morris, coordinatrice du projet de recherche BEYOND !

La Plateforme ESV s’intéresse à divers projets nationaux et internationaux dans le secteur de la santé des végétaux. Actuellement 3 projets de recherche prolongent et contribuent aux activités de la plateforme. Découvrez le projet de recherche BEYOND, présenté par sa coordinatrice Cindy Morris, chercheuse dans l’Unité de Pathologie Végétale à l’INRAE d’Avignon.

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1. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?
Je suis Cindy Morris – coordinatrice du projet BEYOND et chercheure dans l’Unité de Pathologie Végétale à l’INRAE à Avignon depuis plus de 30 ans. Ma formation universitaire était un mélange entre sciences de la vie, histoire et philosophie de la science. Mes projets de recherche sont à cheval entre l’écologie microbienne et la physique de l’atmosphère. A travers mon parcours j’ai acquis des compétences et un fort goût pour concevoir et animer des sujets de recherche interdisciplinaires.

2. Pouvez-vous présenter vos principales missions dans ce projet ?
Ma mission principale est de coordonner le projet. Je dois assurer en particulier la communication entre les responsables des ‘’Work Packages’’ (c’est-à-dire des actions qui structurent la mise en œuvre projet), les prises de décisions globales, la gestion et les échanges avec notre financeur, l’Agence Nationale de la Recherche (ANR), ainsi que l’organisation et la tenue des évènements et réunions du projet en interne et à l’externe. Pour ceci j’ai mis en place un Conseil de 5 personnes qui représentent la diversité des disciplines scientifiques du projet ; nous nous réunissons régulièrement. Mon plus grand défi pour BEYOND est de mettre des mots simples sur les concepts compliqués afin d’assurer l’interdisciplinarité du projet et la capacité de communiquer nos résultats aux non-spécialistes. En tant que scientifique je vais aussi participer au ‘’Work Package’’ qui est dédié au développement des nouveaux indicateurs pour l’épidémio-surveillance. Je suis particulièrement intéressée par la découverte des réservoirs d’inoculum insoupçonnés – principalement des réservoirs hors contextes agricoles - de certains agents pathogènes qui seront étudiés dans le projet et aussi dans l’élucidation des trajectoires de dissémination aériennes à longue distance. Je vais utiliser mes compétences en écologie microbienne et physique de l’atmosphère sur les sujets de recherche concernés afin que ces découvertes puissent contribuer à la conception de nouveaux indicateurs d’épidémio-surveillance.

3. En quoi consiste le projet BEYOND ?
C’est un projet de recherche interdisciplinaire qui va mettre en synergie des connaissances en sciences de la vie, en maths et statistique, en sciences sociales et économie, en science de gestion des données, en intelligence artificielle, etc. au profit de l’épidémio-surveillance de demain.

4. A qui s’adresse ce projet ?
Le projet s’adresse directement aux responsables des politiques publiques pour faciliter l’implémentation d’approches nouvelles dans le cadre de l’épidémio-surveillance.

5. Pourquoi lancer ce projet ? Quel est le constat de départ ? Quelle problématique souhaitez-vous adresser ?
Aujourd’hui l’épidémio-surveillance des maladies des plantes vise principalement des cibles associées aux épidémies lors de la manifestation de leur progression : l’agent phytopathogène ou insecte vecteur et/ou les symptômes dans le contexte des champs de production ou des environs. C’est une approche « confortable » sur le plan intellectuel. Elle correspond à l’enseignement académique des cycles de vie des agents phytopathogènes et un ensemble d’informations concernant des phénomènes qu’on peut percevoir. Cependant, face aux observations à cette échelle de temps et d’espace, peu d’options de protection de la santé des plantes sont disponibles. Une méthode de protection mise en œuvre dans ce contexte devrait être efficace dans des délais courts. Dans la plupart des cas, l’utilisation des produits phytosanitaires (de synthèse en particulier) est la seule option – si l’éradication de la plante malade n’est pas obligatoire. La prédominance de cette approche est illustrée dans la prolifération actuelle des outils d’aide à la décision pour la santé des plantes : ils visent à réduire le nombre de traitements phytosanitaires dans un contexte de réactivité sur le court terme. La transition vers des pratiques agro-écologiques - qui fera appel de plus en plus à la prophylaxie - nécessitent des indicateurs de risque sur des échelles de temps et d’espace plus étendues afin de permettre l’implémentation de ces pratiques. L’objectif de BEYOND est de concevoir de nouveaux indicateurs de risque de maladie qui faciliteront la mise en place de diverses prophylaxies. Ceci peut aller jusqu’à reconcevoir des bassins et des calendriers de production. Autrement-dit, nous visons à créer un nouveau paradigme d’épidémio-surveillance.

6. A quoi servira la création d’un nouveau paradigme d’épidémiosurveillance ? Quelles seront les actions mises en place ?
Un paradigme est un cadre de raisonnement. Donc, un nouveau paradigme permettra aux décideurs – des producteurs ou des techniciens de terrain aussi bien que des politiciens – d’élaborer des décisions pour protéger la santé des plantes sur la base de connaissances et informations qui n’ont pas été habituellement utilisées dans l’ancien cadre de raisonnement. Un nouveau cadre de raisonnement permettra aussi aux chercheurs de formuler et tester des hypothèses insolites sur les processus qui pèsent sur la santé des plantes. Un paradigme sert aussi à structurer la délivrance des connaissances lors des formations. Donc, les actions mises en place seront de 4 ordres : 1) l’élaboration des cas d’études qui illustrent l’impact du changement de paradigme sur la conception des indicateurs d’épidémio-surveillance pour une douzaine de maladies, 2) la consolidation et mise à disposition d’un ensemble de connaissances et informations pour élaborer et déployer de nouveaux indicateurs d’épidémio-surveillance, 3) l’accompagnement des producteurs et techniciens de terrain dans des nouveaux processus de décision pour la mise en place des prophylaxies, et 4) la création des modules de formations de jeunes scientifiques pour apprendre ce cadre de raisonnement.

7. Pouvez-vous donner des exemples d’actions qui seront réalisées grâce aux résultats du projet BEYOND ?
Un des exemples concerne comment nous allons exploiter des données sur les mouvements quotidiens des masses d’air pour élaborer des plans de surveillance. Le Work Package dédié à la caractérisation des réseaux va mettre en évidence comment les différentes régions en France sont interconnectées entre elles et avec des régions plus lointaines à travers les masses d’air qui les traversent. En couplant ces résultats avec des connaissances de biologie et écologie de certains agents phytopathogènes et leurs vecteurs, nous allons proposer des sites et un calendrier de surveillance de l’atmosphère en amont des cultures ciblées avec l’objectif d’obtenir des indicateurs précoces d’une invasion biologique. Cette approche est applicable à un ensemble de microorganismes ou insectes disséminés par le vent et concernent la moniliose de la pêche, l’oïdium de la tomate, et les vecteurs d’une gamme de virus et phytoplasmes d’arbres fruitiers et cultures maraîchères. Les connaissances de mouvement de l’air peuvent être aussi utiles à l’optimisation du positionnement des capteurs déjà déployés pour la surveillance des maladies. Dans le projet BEYOND, le positionnement des capteurs pour le mildiou et l’oïdium des vignes sera conçu à nouveau sur la base des connaissances de ces réseaux. Une autre action du projet BEYOND sera l’élaboration des cartes de risque intégrant un ensemble de données pédoclimatiques, d’histoire d’utilisation des sols, de pratiques agricoles et de contexte géographique. Ces cartes de risque seront particulièrement pertinentes aux dépérissements de plantes pérennes et de maladies ayant de multiples facteurs environnementaux aggravants. Ces cartes peuvent servir pour mieux positionner des nouvelles plantations ou pour déployer des pratiques agronomiques qui aident les plantes à surmonter les facteurs environnementaux aggravants.

8. Quels sont les premiers résultats de recherche de BEYOND à ce jour ?
Le projet a commencé début février 2021. Les principales réalisations concernent le recrutement (thésards, CDD) et la mise en place des animations scientifiques. Nous avons lancé les « Jeudis de BEYOND » qui sont des rencontres - le troisième jeudi de chaque mois – pour les partenaires du projet visant à favoriser l’interdisciplinarité. Nous discutons des techniques et des concepts de façon à ce que des partenaires non spécialistes puissent comprendre. Par exemple, nous avons discuté des outils de fouille de texte automatisée, la cartographie des trajectoires prévisibles de masse d’air et un cadre d’analyse d’impact du projet. Nous avons aussi mis en place une série de webinaires en anglais ouverts pour promouvoir les sujets en lien avec BEYOND. Ils sont annoncés sur le site web de BEYOND (https://www6.inrae.fr/beyond/Open-Events). Les premiers mois du projet ont été aussi consacrés à la réalisation du Plan de Gestion des Données - une obligation du contrat vis-à-vis de l’ANR. Ce plan a pour objectif de préciser la traçabilité, la sauvegarde et les droits d’utilisation de l’ensemble des données du projet – celles que nous allons générer et celles que nous allons utiliser provenant d’autres sources. La réalisation de ce plan est en soit un exercice intensif de communication interdisciplinaire entre les spécialistes de Data Science, les biologistes, les mathématiciens, les économistes, etc. du projet. Un des livrables de BEYOND est la mise à disposition des données de divers types et provenances pour l’épidémio-surveillance. Donc, la réalisation du Plan de Gestion des Données est une activité très formatrice pour les partenaires et va contribuer à notre capacité de communication interdisciplinaire. En plus des activités de lancement du projet, les membres du Conseil ont pris le temps de faire le point sur notre vision actuelle de l’épidémio-surveillance de demain et comment elle peut être compatible avec l’approche « One Health » (Santé Globale). Nous avons identifié 4 défis. Ces défis, décrits dans un manuscrit publié dans le journal Plant Pathology et disponible sur hal (One Health concepts and challenges for surveillance, forecasting and mitigation of plant disease beyond the traditional scope of crop production, https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03154445/), sont : i) découvrir les réservoirs insoupçonnés et réviser l'histoire de vie des agents pathogènes pour ouvrir plus d’options de surveillance précoce, ii) comprendre l’ensemble des facteurs qui contribuent à la diversification des agents phytopathogènes en élucidant les facteurs de virulence au-delà du contexte des interactions directes entre l'hôte et l'agent pathogène afin d’identifier les situations favorables à la surveillance, iii) tenir compte des autoroutes naturelles de dissémination à longue distance (c'est-à-dire les eaux de surface et les mouvements des masses d'air) dans la surveillance, et iv) actualiser les prévisions relatives aux maladies en tenant compte de l'évolution de l'utilisation des sols, des pratiques culturales et du climat. Le texte de ce document nous aidera à constater comment BEYOND contribue à changer notre perspective sur les challenges pour l’avenir.

9. Quels sont les principaux partenaires du projet ?
Les règles de financement des projets PPR limitent le partenariat direct aux instituts de recherche. Neuf des 10 partenaires sont des unités propres ou mixtes dans lesquelles INRAE est impliqué. Deux des partenaires sont sous la tutelle du CIRAD. En outre, GDON Bordeaux et l’IFV sont identifiés comme partenaires associés à deux des partenaires INRAE.
Sur le Centre de Recherche de l’INRAE-PACA à Avignon les partenaires sont :
- Unité de Pathologie Végétale (https://www6.paca.inrae.fr/pathologie_vegetale_eng/)
- Unité de Biostatistique et Processus spatiaux (https://informatique-mia.inrae.fr/biosp/)
- Unité d’Ecodéveloppement (https://www6.paca.inrae.fr/ecodeveloppement)
Sur le Centre de Recherche de l’INRAE- Nouvelle-Aquitaine Bordeaux les partenaires sont :
- Unité de Biologie du Fruit et Pathologie (https://www6.bordeaux-aquitaine.inrae.fr/bfp_eng/)
- Unité de Santé et agroécologie du vignoble (https://www6.bordeaux-aquitaine.inrae.fr/sante-agroecologie-vignoble/)
Sur le Centre de Recherche de l’INRAE- Clermont-Auvergne-Rhône-Alpes :
- Unité des unité Technologies et systèmes d'information pour les agrosystèmes (https://www6.ara.inrae.fr/tscf/L-unite-TSCF)
Sur le Centre de Recherche de l’INRAE- Île-de-France-Jouy-en-Josas-Antony :
- Unité de Mathématiques et Informatique Appliquées du Génome à l'Environnement (https://maiage.inrae.fr/en/accueil)
Le partenaire Plant Health Institute de Montpellier (https://umr-phim.cirad.fr/en) est sous la tutelle d’INRAE, SupAgro, CNRS et CIRAD L’autre partenaire qui représente le CIRAD est le laboratoire de Peuplements Végétaux et bioagresseurs en milieu tropical (https://umr-pvbmt.cirad.fr/)
Le projet a plusieurs partenaires et collaborateurs de terrain qui représentent les professionnels associés aux partenaires de recherche.
Ces collaborateurs associés sont :
- Le Groupement de Défense contre les Organismes Nuisibles (https://www.gdon-bordeaux.fr/)
- L’Institut Français de la Vigne (https://www.vignevin.com/)
Et, bien sûr, la Plateforme ESV est aussi un partenaire associé au projet BEYOND.

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